Aujourd’hui, une importante valorisation autour des récits de résilience occupe les inconscients collectifs. Le traitement du traumatisme est réduit au schéma suivant : souffrance, combat et victoire sur le traumatisme.

Il est rassurant de pouvoir se dire qu’il existe un « après » traumatisme, où la douleur liée à celui-ci n’existe plus, de façon définitive et irrémédiable. Bien que les récits autour de l’abolition du traumatisme soient inspirants, ils peuvent a contrario, créer des attentes irréalistes et parfois aussi, renvoyer le sentiment que si on ne guérit pas, être une « cause perdue ».

Est ce que cela vous surprendrait-il, si je vous annonce que les choses ne sont pas si lisses ?

En réalité, la vérité est plus nuancée. Notre cerveau et notre corps sont modifiés chimiquement face à l’apparition d’un traumatisme. Le trauma modifie notre vision du monde et de manière durable.

Les recherches en neurosciences montrent que le traumatisme laisse des traces physiques dans notre système nerveux, de sorte que, notre corps conserve la mémoire de ce que nous avons vécu. Et ce, même lorsque notre esprit souhaiterait l’oublier. Autrement dit, espérer « redevenir comme avant » après un traumatisme, c’est méconnaitre son impact profond.

Toutefois, cela ne signifie pas que l’apparition d’un traumatisme nous condamne à souffrir toute notre vie.

Le traitement thérapeutique d’un traumatisme est de s’engager vers un chemin de transformation, et non d’un retour à un « état d’avant ».

Autrement dit, on ne guérit pas forcément de nos traumatismes, mais nous apprennons à vivre avec. Oui oui, cela s’apprend !

Il est important de sortir du discours de l’absolue guérison et de l’injonction au mieux être. dire à une personne traumatisée qu’elle doit « aller de l’avant » peut, malgré de bonnes intentions, renfrocer son sentiment d’isolement et d’incompréhension. Ce dont la personne a besoin, c’est d’un espace où son vécu est reconnu, où elle peut avancer à son rythme.

Proposer un discours ou l’on ne guérit pas complétement de nos traumatismes peut sembler fortement pessimiste au premier abord. Et pourtant, cette vision peut être profondémment libératrice. Elle nous permet de respecter son parcours avec ses cicatrices et ses transformations.

Apprendre à vivre avec son traumatisme, s’est affirmer sa capacité à construire une vie qui ne soit pas entièrement définie par nos blessures.

 Lucille COURTOT
Psychologue clinicienne